[Interview] : Les 25 ans de Sonic vu par ses créateurs





_Le 24 juin,[Famitsu.com a publié une interview/table ronde réunissant 3 figures bien connues des SEGA/Sonic fans](http://www.famitsu.com/news/201606/24107383.html) ; Yuji Naka, Naoto ôshima et Takashi Iizuka. Vous imaginez sûrement que tout y est déjà connu et très convenu ? Grosse erreur ! Je vous laisse découvrir cette discussion des plus intéressante que l'on vous a traduit avec amour;)_

Le tout étant particulièrement long, nous avons décidé de la diviser en 3 parties.
Bonne lecture !





●Aveu choc ! Sonic n’était pas la mascotte de SEGA !?

–Je vous remercie d’avance pour aujourd’hui. En cette précieuse occasion qu’est de réunir 3 visages de la Sonic Team, je pense que l’on va parler des secrets de la naissance de Sonic jusqu’à plus soif.
Ayant l’intention de parler de manière chronologique, en premier lieu, pouvez-vous nous donner des détails sur la naissance de Sonic ?

Yuji Naka : L’autre jour, en fouillant dans mes affaires, je suis tombé sur le prospectus du premier Sonic à destination des professionnels !
Je pense que vous n’êtes pas sans savoir que Masato Nakamura de Dream Come True (Note du Traducteur : groupe musical japonais pop-rock) a fait les musiques de Sonic 1 et 2, et c’est sur le prospectus de leur concert que Sonic a fait sa première apparition au monde !

Naoto ôshima : En ce qui me concerne, j’ai ce prospectus datant du concert « Wonder 3 » qui a eu lieu en 1990 ! On avait mis une pub Sonic sur ce dernier, même sur le bus il y avait une illustration.

Yuji Naka : Oui oui ! Tu as une photo ?

Naoto ôshima : Je n’ai pas de photo, par contre j’ai le dessin d’origine vu qu’il est de moi. Mais de toute façon je n’ai pas vu les véhicules…

Yuji Naka : Quoi ? On les a vus ensemble ! Tu ne te souviens pas ? (rire)
Yukifumi Makino (ou Macky, programmeur son sur Sonic 1 puis à la tête de SEGA Digital Media/Wave Master de 1991 à 2004), toi et moi, et je crois que Hirokazu Yasuhara (game planner sur Sonic 1) y était aussi. On voulait impérativement apposer ce dessin quelque part !
Comme je me devais d’apporter quelque chose, du coup je venu avec le blouson officiel du staff.





â–²Sur le blouson réservé au staff que possède Yuji Naka, il est inscrit « Supported by SEGA ».

–Sonic en tant que jeu, quelle fut sa première présentation ?

Yuji Naka : La première fois ça devait être au Tokyo Toy Show. Tu as la ROM de cette époque ?

Naoto ôshima : Évidemment que je ne l’ai pas (rire).

Yuji Naka : En fait, je voulais l’intégrer dans la version Gamecube de Sonic Mega Collection, j’ai eu beau la chercher je n’ai pas pu mettre la main dessus.
Avec ôshima on s’était dit « on va les bluffer ! » en s’attachant à faire 7 scrolling. Bien que dans cette version Sonic ne pouvait que courir à grande vitesse sur une piste légèrement ondulée, en nous enflammant quant à la rivalité avec Nintendo, on se disait « la Mega Drive peut aussi faire ce genre de chose ! »

Naoto ôshima : Mais n’ayant pas de budget pour la promo, j’ai fait moi-même les pancartes et posters en dessinant à la main sur du papier à cet effet.









â–²Lors du Tokyo Toy Show 1990 et de la première présentation de Sonic en mouvement, cette décision soudaine, les privant d'un budget publicitaire, obligea ôshima à faire des dessins à la main pour décorer l'espace jeu.

–Bien que la Mega Drive n’ait que 2 plans, faire 7 scrollings était effectivement bien bluffant.

Naoto ôshima : Concernant Famitsô«, la première fois qu’ils ont présenté un jeu SEGA, c’était sans aucun doute Sonic. Jusqu’alors, seuls des magazines dédiés tel que Beep ! Mega Drive ou encore Mega Drive Fan en parlaient, Famitsô« n’avait jamais fait d’article sur un jeu SEGA.

Yuji Naka : Mais il s’agissait de Famicom Tsô«shin ! (rire) (NdT : Famitsô« en est la contraction)

Naoto ôshima : Étant moi-même un ancien publicitaire, avec Tadashi Takezaki alors nouvellement en charge du département pub jeux vidéo domestiques, nous sommes allés à la rédaction de Famitsô« avec la cartouche et on leur a dit « faites un article s’il vous plaît ». Ils nous ont répondu « c’est la première fois que SEGA vient jusqu’ici ». En fait, personne n’avait tout simplement posé un pied chez eux ! (rire).

–Il y a donc eu ce genre d’échanges (rire). A l’occasion j’en parlerai à Takezaki. Et à ce propos, pouvez-vous nous donner des détails sur la naissance de Sonic en tant que mascotte de SE…

Yuji Naka : (Il m’interrompt), tout d’abord, Sonic n’a jamais été reconnu comme tel.

–Euhhh, vraiment!?

Yuji Naka : Il y a eu méprise ; lorsqu’en interne on collectait les idées de mascottes, Sonic a été mis dans le lot alors que son développement avait commencé depuis 1990. Au même moment, SEGA passait en première section boursière, et dans cette même idée de développement de la société on a aussi fait une chanson d’entreprise (NdT : il n’est pas rare qu’au Japon, les entreprises ; et pas forcément des grandes ; possèdent leur propre chanson).
C’est dans ce contexte que l’idée de créer une mascotte est venue.
Environ 200 personnages furent réunis, Sonic était dans les 8 finalistes ! J’étais aux anges, mais les choses en sont restées là sans qu’aucune décision finale ne soit prise…

Naoto ôshima : C’est moi qui ai fait la présentation devant le président. N’ayant pas de collègue de ma génération pour m’assister, j’ai demandé au département du jouet et à d’autres de me faire des peluches et divers goodies, et j’ai même fait une présentation du jeu en mouvement.

Yuji Naka : Je m’en souviens. Je pense qu’il n’y a jamais eu d’annonce officielle. Bien que je me souvienne qu’une fois, lorsque monsieur Isao ôkawa était président, il avait fait faire des cartes de visite avec Sonic dessus.

Takashi Iizuka : Pour les 20 ans aussi il y a eu des cartes avec Sonic. Par la suite on a fait des autocollants à cet usage. Mais il est vrai qu’il n’est jamais devenu la mascotte officielle (rire).

Yuji Naka : S’il y a bien eu une réunion pour décider de la chanson d’entreprise qu’est « Wakai Chikara » (NdT : La force de la jeunesse), par la suite je ne pense pas qu’il y en ait eu concernant la mascotte.

Takashi Iizuka : Et donc, bien que ça n’ait rien à voir, cette fois je pars en Amérique, je vais directement m’occuper des IP sur place. (NdT : Il donne la forte impression de vouloir changer de sujet ^^)





â–²Cette table ronde s'est faite quelques jours avant le départ de Takashi Iizuka pour les États-Unis.

●Péripéties jusqu’à la naissance de Sonic. Eggman aussi était candidat pour le poste de héros !

–Encore une fois je voudrais parler de l’avant naissance de Sonic. Comme dit précédemment, c’est le jeu qui a fait naître Sonic donc.

Yuji Naka : Il s’en est passé des choses jusqu’à ce que Sonic devienne un hérisson ! En tant que personnage il devait pouvoir bien se mouvoir, on avait fait en premier un lapin qui pouvait prendre des objets avec ses oreilles pour les jeter ou se protéger.
Mais pour ne pas faire la même chose que faisait celui que l’on considérait comme le rival « Super Mario Bros », on tâtonnait dans l’idée de faire un jeu rapide.





â–²Dessin du lapin fait par Oshima. Il l'avait imaginé saisissant des objets avec ses oreilles pour les lancer.







â–²Des designs des débuts.







â–²Par la suite il y a eu Dr. Eggman, il faisait partie des candidats pour le poste de héros.

Naoto ôshima : Je n’étais encore qu’en bas de l’échelle avec mes 3 ans d’ancienneté, mais voulant travailler avec celui que l’on qualifiait de programmeur numéro 1 ; Yuji Naka ; on a commencé ensemble à créer le personnage. N’ayant pas une idée claire du jeu final, lorsqu’on a fait le design du lapin, Yuji Naka m’a dit « Je veux faire quelque chose qui ressemble à une boule et peut rouler ».

Takashi Iizuka : (il murmure) « C 'est Panda-kopanda » (NdT : film d’animation de 1972 connu en France sous le nom de « Panda petit panda », réalisé par Isao Takahata avec Hayao Miyazaki au scénario, un peu une base de Mon Voisin Totoro).

Naoto ôshima : Oui oui. L’image de base c’est Panda-kopanda.

Yuji Naka : Lors de la planification du jeu, je voulais faire d’un panda le héros, on a eu une discussion sur Panda-kopanda d’ailleurs ! Moi et ôshima on est fan des œuvres de Hayao Miyazaki.

Naoto ôshima : Et donc, comme on avait pensé à ce que le personnage puisse se mettre en boule, on se demandait « on fait quoi ? », au final, on en est arrivé à choisir entre un hérisson ou un tatou.

Yuji Naka : Le fait de terrasser les ennemis en les culbutant, c’est une idée que j’ai toujours précieusement gardé pour la bonne occasion depuis le lycée, mais pour dire vrai, je n’avais pas envie de l’utiliser cette fois.
Mais ce lapin qui lançait des trucs, dans un jeu ça se traduisait par un arrêt et je n’en voulais vraiment pas, j’ai donc voulu casser cet obstacle et j’ai présenté mon idée à regret.

(Rire général)

Yuji Naka : Mais ôshima s’y est opposé avec son raisonnement terre à terre « se mettre en boule pour terrasser les ennemis ce n’est pas un peu bizarre ? »(rire).
Dans ce cas il valait mieux opter pour un hérisson ou un tatou, un animal avec un dos dur, c’est de cette manière que le projet a changé en cours de route. C’est par la suite que Dr. Eggman s’est vu être candidat pour le poste de héros.

Naoto ôshima : D’un point de vue personnel, Eggman avait ma préférence, c’est lui qui était le proche du design en boule. Pour la couleur de Sonic, on a choisi la couleur de SEGA.

Yuji Naka : Il y a aussi eu une querelle pour le nom. En anglais, « vitesse de la lumière » se dit « light speed », mais ça sonne mal. Dans une conversation qui nous avait emmenés au milieu de la nuit, quelqu’un a dit « la vitesse du son se dit sonic ». En entendant cela j’ai dit « c’est ça ! ». Et la raison d’opter pour un hérisson et non pas un tatou est simplement que des épines ça a bien plus de style et de classe.

Naoto ôshima : Exactement. Un peu avant de finaliser l’illustration du Sonic classique, en utilisant un design qui manquait encore de finition, j’ai demandé à Taku Makino, qui était dessinateur dans le département de l’Amusement, de faire nous faire une figurine. S’il y avait encore le moule j’aimerais bien que l’on en refasse…

Yuji Naka : On voulait une coupe de cheveux dans le style de Chôjin Rokku/Locke the Superman, mais on n’arrivait pas à finaliser le haut de la tête. Grâce à la version en relief faite par Makino, ôshima a pu affiner le design pour le finaliser. Cette étape de faire un modèle en relief ressemble au processus de travail de Pixar.

Naoto ôshima : On a peut-être un peu copié les méthodes de Hollywood à cette époque (rire).

Takashi Iizuka : En parlant de modèle en relief, on est en train de faire la figurine des 25 ans qui sera à gagner. On devrait être dans les temps pour l’event anniversaire le 25 juin.

●Même si Sonic fini est devenu un hit, surprenante situation en coulisse !





–On passe à l’après finalisation du jeu, il y a eu une situation étonnante en coulisse de ce hit n’est-ce pas ?

Naoto ôshima : On peut dire que ce fut un choc ! En allant au travail, j’ai entendu dire “ Yuji Naka a démissionné !

Yuji Naka : Je ne l’avais dit à personne. J’ai démissionné avant la mise en vente du jeu. J’avais beau être persuadé que Sonic se vendrait, mes supérieurs de l’époque n’ont jamais eu la moindre considération à mon égard. J’étais extrêmement mécontent et il est effectivement vrai que j’ai dit « si c’est comme ça j’arrête ».
Ils ont essayé de me persuader de rester mais au final j’ai bien démissionné.

–D’après les informations de l’époque, vous aviez été muté en Amérique pour vous occuper de Sonic 2, mais en fait vous aviez pris une première retraite.

Yuji Naka : Exactement. Après ma démission, en juin je suis tombé par hasard sur Marc Cerny chez SEGA (NdT : malgré sa démission il avait encore des rapports avec SEGA).
J’avais travaillé avec lui sur divers projets auparavant, et il me dit « Tu es libre non ? Viens passer du bon temps avec nous », du coup ce même mois je suis parti aux USA. Par la suite, je suis allé au bureau de SEGA Technical Institute environ 3 jours. Ensuite, Masaharu Yoshii m’a appelé : « tu ne viendrais pas travailler ici ? » m’a-t-il dit en me persuadant. 2 mois plus tard j’étais en Amérique.
Et donc, si je n’avais pas croisé Marc Cerny dans ce lobby il n’y aurait pas eu de Sonic 2.

Naoto ôshima : En fait, il y a eu des discussions pour que je parte en Amérique, j’avais préparé mes affaires pour partir.

Yuji Naka : Vraiment !?

Naoto ôshima : En pleine préparation pour partir, aussitôt que Yuji Naka eut pris son poste aux USA, le président m’a appelé pour me dire : « Naka travaille en Amérique, tu restes au Japon », ma réaction « Hein !? ». A ma place c’est Yasushi Yamaguchi (Zone Artist sur Sonic 2, aujourd’hui il travaille comme mangaka et illustrateur) qui a été envoyé.

–Il y a eu ce genre de situation…

Yuji Naka : Je gardais comme souvenir que j’avais beau demander à ôshima, il n’était jamais venu. Alors que Yasuhara Hirokazu lui était venu. C’est donc ça, on t’a empêché de venir !

–Mais au final vous n’avez jamais pu entrer en contact ?

Yuji Naka : Pas qu’il n’y ait pas eu d’échange, mais on n’était pas encore à l’ère des e-mails et il n’était donc pas aussi simple de communiquer contrairement à aujourd’hui.
Il y a eu tout au plus quelques coups de fil et fax, puis je suis rentré au pays avec la ROM pour qu’il y jette un œil.

Naoto ôshima : Afin que les projets soient cohérents, il y a eu un minimum niveau communication. J’avais entendu dire que Yuji Naka voulait un côté mécanique dans Sonic 2, j’ai souvenir d’avoir envoyé un design de Metal Sonic par la poste.





Yuji Naka : Je ne m’en souviens pas… Ce n’était pas avec Yamaguchi qu’il y a eu ce genre d’échange ? En tout cas, en nombre insuffisant à cette époque, j’étais très occupé et bon nombre de choses ne sont pas passées entre mes mains. Toi aussi Iizuka tu étais en Amérique à ce moment tu dois comprendre.

Takashi Iizuka : En tous cas il n’y avait pas assez de monde. S’agissant d’un projet d’envergure, il fallait s’impliquer à fond.

Yuji Naka : En étant au Japon, du personnel il y en a plein, on peut demander de l’aide, mais en Amérique, avec le peu de monde disponible, on n’avait pas d’autre choix que de le faire nous-même.
De plus, le jour de la sortie était décidé, on ne pouvait rien faire d’autre que d’y mettre toutes nos forces. Et si on parle de la série Sonic, pour le 1, il y a eu 5 personnes dessus. Si on ajoute ceux qui s’occupaient de la musique, cela fait un total de 7 personnes.
Pour Sonic 2 on a enfin pu être une dizaine.

Takashi Iizuka : Et 12 pour Sonic 3.

–Plutôt surprenant. Je ne sais pas si c’est à cause du nom « Sonic Team », j’avais l’image d’une grosse équipe.

Yuji Naka : Lorsque Iizuka est venu en Amérique, on avait l’impression de vivre dans une entreprise en plein champ de bataille. Les nouveaux se retrouvaient jetés dedans.

Takashi Iizuka : En 1992, lors de mon entrée chez SEGA, ils faisaient Sonic 2 en Amérique. Pour faire le 3 là -bas, mon supérieur m’a fait l’honneur de me demander : « Tu n’irais pas le faire en Amérique ? ».

–Et la-bas comment s’est passé la réalisation du 2 ?

Yuji Naka : Déjà à partir du 1, avec ôshima on voulait faire un mode 2 joueurs, on avait même fait un essai en phase finale de développement. On était jeune et on ne se préoccupait pas d’être surchargés de travail si on voulait faire un truc. On a été jusqu’à faire l’écran splitté, mais sans l’entrelacement, on n’y voyait rien, on ne pouvait pas y jouer.
En me rappelant de cela, lorsque j’ai entendu parler de Sonic 2 en Amérique, je me suis dit « la Mega Drive est capable de faire un mode 2 joueurs, faisons-le ! ».
Par la suite, on a fait 2 mois de tests avec l’entrelacement, à la deuxième moitié de 1991 on en voyait le bout. C’est pile à ce moment que le jeu se vendait de plus en plus.





_--Et c'est pour ce mode 2 joueurs que Tails a fait son apparition donc._

Yuji Naka : Le tanuki (raton laveur) qui roule sur le côté conseillé par Yamaguchi (rire).

Takashi Iizuka : En y repensant maintenant c’était Mario Tanuki (rire). C’était quoi la raison pour laquelle il est devenu un renard ?

Yuji Naka : Il devait pouvoir voler, et lorsqu’on l’a affublé de 2 queues, c’est là qu’il est devenu un renard il me semble. Concernant Tails, son vrai nom est Miles Prower, nom imaginé par Yamaguchi, mais entre temps, SEGA of America a annoncé le nom Tails. Yamaguchi était furieux, il y été jusqu’à faire une réunion. Il a été décidé de faire de Tails le surnom, tandis que Miles Prower est devenu son vrai nom. Miles est une unité de vitesse ; La vitesse du son c’est Sonic, on a pris la base de miles per hour pour faire son nom (NdT : Miles Prower et miles per hour se ressemble très fortement prononcé en japonais).

–C’est un peu un jeu de mot.

Yuji Naka : Oui c’est ça. C’est parce qu’il y a eu ce genre de chose, lorsqu’on a réfléchi au nom du nouveau personnage de Sonic 3, le président de SEGA of America est venu lui-même et on a décidé ensemble (rire). En gros ce fut du genre « Il peut frapper et briser des objets avec les poings, Knuckles vous en pensez quoi ? ».

Takashi Iizuka : C’était Tom Kalinske le président. A ses cotés il y avait Pamela Kelly à la tête du marketing. On était assis à la même table, on regardait une encyclopédie sur les animaux en hésitant (rire). Et on a dit, vous pensez quoi d’un échidné ? Et on a décidé comme ça.

Yuji Naka : C’est un cas exceptionnel. Du nom aux caractéristiques en passant par le design, on a décidé de tout comme cela et aujourd’hui encore il reste un personnage valide. Et pour revenir à Famitsô«, dans le premier article concernant Sonic 2, il y était écrit « derrière Sonic, sa petite sœur Tails ». Et c’est comme ça que cette information a circulé chez les joueurs (rire). Par la suite, SEGA a fait un rectificatif affirmant que c’était un garçon.

Naoto ôshima : Mais même nous on ne le savait pas vraiment.

Takashi Iizuka : J’ai fait le debug au Japon. « Le personnage qui apparaît à l’écran titre c’est un garçon ou une fille ? », moi-même j’ai eu une hésitation (rire). On avait pas de documentation, il n’y avait que l’écran titre pour se faire une idée, de plus, ce Tails avait des sourcils, on peut voir l’un ou l’autre dans ce cas.

Naoto ôshima : Oui oui ! On ne savait pas, du coup j’ai passé un coup de fil à Yamaguchi.
« C’est une fille ou un garçon ? »

Yuji Naka : Vraiment ? Si ça se trouve, ça a encore mis Yamaguchi en colère (rire). Mais à cette époque, seule la ROM a été envoyée on y peut rien.

à suivre…

Traduction/adaptation : VirtuaHunter
Relecture/correction : Shenron

_Seconde partie (sur trois) de la traduction de l’interview Famitsô« spéciale 25 ans de Sonic.
Discussion toujours aussi passionnante, on y retrouve de nouveau Yuji Naka, Naoto ôshima et Takashi Iizuka qui cette fois, en plus de la série Sonic, évoquent NiGHT into Dreams ainsi que Burning Rangers.
Si vous n’avez pas lu la première partie, vous pouvez le faire en cliquant ici.

Excellente lecture !_

●De McDonald’s à MTV, les coulisses du hit Sonic 3 pris dans un tourbillon

–Après avoir bouclé Sonic 2, vous avez attaqué Sonic 3.

Yuji Naka : Bien que ce fût intense, c’était vraiment très intéressant. Lors du développement de Sonic 2, environ la moitié du staff était étrangère. Du coup, comme on communiquait en anglais, il était difficile d’indiquer certaines petites subtilités. D’ailleurs, c’est pour cette raison si des stages dans le 2 ont des teintes légèrement différentes.
Donc pour le 3, afin qu’il y ait plus de Japonais, on en a fait venir du pays, et Iizuka en faisait partie. Tu t’occupes de la série depuis 1993 non ? Waouh c’est incroyable !





Takashi Iizuka : La première fois que j’ai rencontré Yuji Naka en Amérique il a dit : « Mais on ne m’envoie que des petits nouveaux ? » (rires)

Yuji Naka : En y repensant aujourd’hui, je suis reconnaissant, mais à ce moment on était dans une impasse et je souhaitais que l’on m’envoie des personnes d’expérience (rire crispé).
Toutefois ils se sont très bien adaptés au travail et on a plus ou moins réussi à être dans les temps avec Sonic 3.

–Du coup, les grandes maps, c’est le fruit du sang et de la sueur de Yasuhara et Iizuka? (rire).

Yuji Naka : De plus, lorsque Iizuka est arrivé en janvier 1993, on essayait le SVP (pour SEGA Virtua Processor, un DSP permettant de gérer la 3D ; Virtua Racing est le seul titre l’exploitant commercialement), pour faire un titre 3D que l’on nommait Sonic 3D. On n’en était encore qu’au niveau des travaux préliminaires, et on avait fait une démo dans laquelle on pouvait courir sur un terrain de forme sphérique ressemblant un peu à la planète de Maître Kaio de Dragon Ball.

C’est à ce degré d’avancement, alors qu’on se demandait comment intégrer cela dans le jeu, que le contrat avec McDonald’s fut signé pour les Happy Meal en 1993. L’entreprise nous ordonna d’être impérativement dans les temps, la production du SVP était long, et on ne pouvait pas être dans les délais avec un titre en 3D comme on était partis à le faire.
Et donc pour finir le jeu il ne nous restait environ que 6 mois, ce fut un gros combat.
Du coup, sur les 3 premiers épisodes, c’est ce dernier qui bénéficia du temps de développement le plus court.

–Je pensais que vous aviez plus eu un rôle de producteur en Amérique. Genre un côté administratif/gestion de l’IP.

Yuji Naka : Non, j’ai toujours fait de la programmation. Que ce soit au Japon ou en Amérique, la gestion de l’IP était confiée à des personnes différentes.
Mais le côté positif d’avoir fait Sonic aux USA est que l’on faisait régulièrement venir des enfants pour tester le jeu. « Wouahhh, c’est Game Over ici ! », « Il semble sympa ce passage ! ». On pouvait voir de nos yeux leurs réactions en jouant, ces observations ont, je pense, eu un impact positif.
Et pour décider du design des personnages on demandait aux enfants « tu en penses quoi ? » en montrant le dessin.

Takashi Iizuka : Durant mon année et demie sur place, j’ai travaillé là -dessus en permanence. Durant cet intervalle de temps on a pu faire _ Sonic 3 _ et _ Sonic & Knuckles _.
Et bien que j’aie été à fond dedans, j’ai pu pleinement profiter des USA durant mes quelques congés. C’est avec ses bons moments en tête que j’ai pu me concentrer dans le travail, je suis revenu au pays en en gardant une bonne impression et du coup, j’y suis retourné par la suite.





●Le grand patron décide que ôshima reste au Japon. Le vrai visage de Sonic CD !?

–Et pour s’occuper de Sonic CD, ôshima est resté au Japon, comment était la situation ?

Naoto ôshima : Lorsqu’il a été question de _ Sonic CD _, j’ai dit que sans Yuji Naka, ce n’était pas possible. Malgré tout on m’a dit « On va te mettre des programmeurs d’excellence » et Yamamoto Keiichi (en charge de la programmation entre autres de _ Strider _ version Mega Drive) s’est porté candidat. Mais au final il y a eu des choses qu’il ne pouvait pas faire, et je me souviens m’être dit « si ce n’est pas Yuji Naka, ce n’est effectivement pas possible ».

Takashi Iizuka : Ce n’est pas de la faute du programmeur, tu avais sûrement des exigences trop élevées dépassant les limites du raisonnable. Au début, Sonic faisait le time warp en courant, le décor changeait en un instant pour aller à une autre époque, c’était ça l’idée non ?

Yuji Naka : C’était impossible avec les chargements. On n’y pouvait rien, donc au moment du time warp, on a introduit la scène ou Sonic vole vers le haut pour dire « voilà , l’époque a changé ! ».

Naoto ôshima : Lorsque je vois la conversion de Sonic CD, je me dis « mais enlevez moi cette scène ! ». Aujourd’hui le jeu est pourtant supposé être entièrement en mémoire. En fait, on devait pouvoir changer n’importe o๠d’époque parmi 4, et l’univers changeait en un instant. Dès le départ j’ai pourtant dit que c’était faisable…

Yuji Naka : En 2011, lors de la conversion sur iOS, j’ai dit « j’en veux pas de cette scène ! », j’étais furieux. Donc si celui qui a fait la conversion lit ces lignes, enlevez-moi ce passage et sortez une version director’s cut s’il vous plaît !

Naoto ôshima : S’il faisait ça j’en serais vraiment heureux, moi-même je voudrais m’y essayer.

Yuji Naka : En parlant de Sonic CD, c’est aussi la première apparition d’ Amy Rose. Depuis les USA, en voyant cela, je me disais que Sonic faisait le dragueur. Sa petite amie était pourtant décidée sous les traits d’une humaine pulpeuse, « Madonna », et j’ai eu un sentiment d’un manque de cohérence total.

Naoto ôshima : Le responsable du «licenses business » de l’époque voulait qu’à l’instar d’un Mickey qui a sa Minnie , Sonic ait une copine. Du coup j’ai fait son design, elle hérite toutefois des caractéristiques de base de Madonna.









â–²Celle qui avait été décidée pour devenir la petite amie de Sonic. Une humaine toute de rouge vêtue et sexy.

Yuji Naka : C’est à cette époque que la J-league (NdT : championnat de football du Japon) fut créée, et il y a eu une demande d’un dessin de Sonic à cet usage.

Naoto ôshima : Comme je n’ai eu pour seule consigne que de faire un « Sonic jouant au foot », je pensais que c’était à destination d’un club junior, j’ai dû le faire en 10 minutes. Quelle ne fut pas surprise de le voir sur la poitrine des t-shirts de la JEF United Ichihara (NdT : équipe professionnelle). Je pense l’avoir fait au stylo feutre (rire).





â–²Le dessin fait par ôshima pour sponsoriser à cette époque l’équipe de JEF United Ichihara

●Sonic est de plus en plus populaire. Quelles furent les coulisses de la fièvre Sonic à travers le monde… !?

–De plus, alors que vous étiez tous occupés à travailler sur le jeu, Sonic en tant que personnage devenait de plus en plus populaire, MTV l’avait même adopté le rendant encore plus célèbre. Quand avez-vous pris conscience du phénomène ?





Yuji Naka : Mon souvenir le plus lointain remonte au moment o๠McDonald’s l’a choisi pour le Happy Meal.
Lorsque j’ai entendu « les goodies à destination du monde entier vont être fabriqués à presque 200 millions de pièces » je me souviens d’avoir éprouvé de la joie mais surtout ressenti de la pression.
Sonic 2 s’était vendu à 1 million d’exemplaires, mais là il s’agissait d’un chiffre incomparable, et on n’avait pas d’autre choix que de finir Sonic 3 dans les temps. Et d’ailleurs je fus désolé que le jeu soit au final partagé en deux parties.

Takashi Iizuka : En fait, la date butoir n’était pas la seule raison. L’espace dans la cartouche était insuffisant, les données ne rentraient pas dans la ROM, c’est pour ces raisons que Sonic 3 fut partagé en deux.

Yuji Naka : Et autrement, je garde un grand souvenir de l’expédition des exemplaires de Sonic 2. Je me souviens d’articles dans différents médias qui annonçaient « Sonic 2 enfin expédié ! » en montrant un camion qui chargeait les jeux depuis l’usine.
Je n’ai pas pu le voir de mes yeux mais il y a eu 4 Jumbos Jet Cargo qui ont livré les jeux à l’aéroport de Heathrow à Londres. Lorsqu’on m’a rapporté cela, je me suis dit : « Wouah il cartonne ! ».

–Avec Sonic 3. MTV a organisé une compétition d’ampleur mondiale.

Yuji Naka : Les choses prenaient une ampleur toute autre, on nous a dit : « ils vont louer l’île d’Alcatraz pour y faire un événement ! » (rire).
Depuis l’hôtel en direction de l’île, on a pris place dans un véhicule cellulaire, ils ont fait appel à des policiers de San Francisco eu repos, le show pour nous commençait !
Je ne sais pas comment ils faisaient, les feux passaient au vert les uns après les autres, c’était incroyable…

Takashi Iizuka : Lorsque la promotion MTV fut décidée, on était en plein Sonic 3. Un responsable marketing est venu pour nous demander de mettre « une scène o๠on est enfermé dans une prison ».
On ne m’avait pas parlé d’Alcatraz et comme c’était inutile dans le déroulement du jeu j’ai refusé en disant « je ne peux pas faire ça ! ». En y repensant maintenant ça aurait été bien de l’intégrer.

–En parallèle de sa popularité qui devenait de plus en plus grande, les personnes et sociétés impliquées s’accroissaient donc.

Takashi Iizuka : Effectivement, et il y a aussi eu le MACY’s Thanksgiving Day Parade en novembre 1993.

Yuji Naka : Il y a eu ça oui ! Il avait été dit qu’un énorme ballon Sonic en était, et bien qu’on ait bravé le froid jusqu’à New York, on a eu beau l’attendre, il n’est jamais venu.
On m’a rapporté par la suite que peu après le départ il avait été pressé par le vent et s’était dégonflé.

Takashi Iizuka : Durant la parade, on a vu un groupe marcher avec des T-shirts Sonic et on s’'est dit « Tiens c’est pas ça ? Mais il n’y a pas de ballon !». Personne ne nous avait informés de la situation, du coup, jusqu’à la fin on n’a rien compris.

Yuji Naka : A cette parade il y avait entre autres Gardfield ou bien encore Spider-Man , et seuls des personnages célèbres peuvent être choisis. Que Sonic soit retenu pour apparaître parmi eux m’avait rendu fou de joie !

Takashi Iizuka : Durant un bref instant j’ai eu la sensation que Sonic était devenu un personnage national là -bas. C’est vraiment dommage qu’il n’ait pas fait son apparition (rire). On aurait dû aller le voir avant le départ.

–Et vous depuis le Japon, vous avez ressenti cela ?

Naoto ôshima : Non, pas du tout. J’avais entendu dire qu’il était super populaire aux USA mais je ne l’ai pas vu de mes yeux.

Yuji Naka : Dans la pub de fin d’année, il n’y a pas eu le slogan « Gros hit dans tous les États-Unis ! » ?

Naoto ôshima : Si, mais je n’ai pas eu ce sentiment, juste les informations. Le voir de ses propres yeux doit changer la donne. Mais celui pour lequel j’ai le plus grand respect, Walt Disney , a vu son personnage Mickey Mouse se faire dépasser une année par Sonic dans le classement des personnages populaires. J’ai exulté en disant « on a doublé Mickey !!! ».
Derrière Sonic il y avait aussi Sylvester Stallone ou Arnold Schwarzenegger, je me suis dit« c’est devenu incroyable ! ».
Cela devait être aux environs de 1994.

●”En état de léthargie” à l’ère de la Saturn. NiGHTS et Burning Rangers.

–On avance dans le temps et je voudrais parler de l’époque Saturn. Durant la première moitié de l’existence de la console, il n’y avait toujours pas de Sonic commercialisé, et un bon nombre se demandait « mais que fait la Sonic Team » ?

Yuji Naka : Mon sentiment était « Je ne veux plus faire de Sonic ». J’ai bien entendu les voix s’élevant pour dire « si la Saturn ne connaît pas le succès c’est parce qu’elle n’a pas de Sonic ».
Mais ayant été plongé dedans durant 4 ans, je voulais faire un nouveau jeu.
Et donc, avec ôshima et Iizuka, on a commencé _ NiGHTS into Dreams _.
Il nous a fallu 2 ans pour le faire. Par la suite, et j’en suis profondément désolé pour les fans, on a bien commencé à développer sur Saturn un environnement dans lequel Sonic pouvait bouger, mais c’est devenu par la suite _ Sonic Adventure _. Seulement, au moment d’avoir réalisé un niveau test, on nous a parlé de la prochaine génération de console avec la Dreamcast.
Au final, on a eu l’ordre de passer le développement sur cette dernière ; toutefois, voulant faire quelque chose du travail effectué sur Saturn, on l’a intégré dans le Gallery Mode de _ Sonic Jam _.





–La série fut appelée « Project Sonic » (NdT : Sonic Jam était le Project Sonic 1, Sonic R le 2, et Sonic 3D Flickies’Island le 3).

Yuji Naka : A cette époque les interviews devenaient de plus en plus nombreuses mais je ne pouvais pas dire aux joueurs que la version Saturn était annulée et je ne pouvais pas non plus évoquer la Dreamcast, c’était une période particulièrement pénible. Et on s’est donné à fond pour en faire un titre de lancement de la Dreamcast.





–Il y a aussi eu Sonic R, son développement s’est fait à l’étranger n’est-ce pas ?

Yuji Naka : Oui c’était Traveller’s Tales. J’ai fait bon nombre de déplacements en Angleterre pour le superviser.

_–En cette belle occasion qu’est de pouvoir parler de NiGHTS, j’aimerais bien en savoir pl_us.

Takashi Iizuka : En rentrant au Japon, moi et Yuji Naka on s’est regroupés avec ôshima et tout a commencé lorsqu’on a voulu un personnage emblématique pour la console.
Lorsqu’on réfléchissait au projet, Yuji Naka nous avait donné comme mots-clefs « un personnage qui peut voler dans le ciel » et « une île sur laquelle on ne peut pas voler ».
J’ai dit « ce serait vraiment touchant qu’au final on puisse s’envoler sur cette île qui ne le permet pas ».

Yuji Naka : On a voulu faire en sorte que l’expérience fasse passer l’émotion autrement que par les mots ou par l’image.

Takashi Iizuka : Mais les mots-clefs donnés par Yuji Naka étaient contradictoires. A ce moment j’étais encore jeune et ma façon de penser manquait sûrement de souplesse, du coup, jusqu’à pouvoir donner forme au projet j’ai vraiment été tourmenté.





Naoto ôshima : De mon côté, j’étais heureux de faire quelque chose de nouveau. Je le dis à droite et à gauche mais refaire en permanence le même jeu n’est vraiment pas une chose que j’aime. L’idéal, à l’instar de Hayao Miyazaki , est de faire une nouvelle œuvre à chaque fois et que le public s’en fasse un plaisir. Et donc que tous reviennent pour faire autre chose, ma joie fut immense.
Une chose que je peux vous révéler aujourd’hui, est qu’il y avait une grosse pression venant du coté commercial « faites un Sonic ! ».
Du coup, lors de la présentation du nouveau jeu pour Saturn on a dit « cette fois Sonic vole dans le ciel ».

–En fait il ne s’agissait pas de Sonic mais vous ne pouviez pas dire qu’il s’agissait d’un nouveau personnage.

Naoto ôshima : Si je l’avais dit, il était évident qu’ils auraient été contre. Et lorsqu’on a fait la version d’essai et qu’on a pu la présenter, bien qu’ils aient dit « hé ! Mais ce n’est pas Sonic ! », ils ont aussi dit « ça semble excellent ! », et j’en fus soulagé.

Yuji Naka : En tous cas, pour NiGHTS, la période de développement fut longue, 2 ans au total. Même maintenant, de tous les jeux dont je me suis occupé, il doit être celui pour lequel il a fallu le plus de temps.

–Je me répète, mais du point de vue des joueurs la Sonic Team semblait être en période d’incubation.

Yuji Naka : Pour NiGHTS, on s’est longuement interrogés. A un moment, Iizuka a dit « si à la fin pouvoir voler provoque un sentiment de plaisir, alors ne faisons que des passages qui procurent cela »(rire). J’ai souvenir de l’avoir contredit en disant « du coup il n’y a plus d’émotion ! ».

Takashi Iizuka : Quel jeu allait en ressortir, nous étions dans une situation o๠nous n’en savions rien, on a été tracassés jusqu’à ce que les idées aient émergé.

Yuji Naka : Au début, on avait pris pour modèle le Yanbaru Kuina (NdT : ou Râle d’Okinawa, oiseau relativement rare vivant uniquement à Okinawa donc ) mais ôshima n’a pas vraiment adhéré.

Naoto ôshima : Lorsqu’on regarde le staffroll du jeu, Yuji Naka y est producteur, et moi directeur, toutefois, ce qui m’intéresse le plus, ce sont les personnages. Moi et Yuji alors que l’on s’adonnait à la création de ces derniers, on avait confié la partie jeu à Iizuka.
Du coup, je ne savais pas qu’à la toute fin il y avait une scène ou le héros pouvait voler, en plein test du jeu je me suis exclamé « Ha ! Je vole ! » (rire).

Yuji Naka : C’est parce que tous les éléments émouvants étaient parfaitement ajustés (rire). Afin de savoir comment pousser aux larmes, Iizuka s’est plongé dans l’étude du monde des rêves.

Takashi Iizuka : Chaque jour, en arrivant au travail, je faisais le tour de l’équipe afin de leur demander « quels rêves as-tu faits ? » et j’en appréciais le contenu.

Yuji Naka : On a lu Jung et Freud. C’est en les étudiant que l’idée de lier les stages aux couleurs est née. On a travaillé en tenant compte de la Psychologie des profondeurs.

Takashi Iizuka : On a construit les stages afin qu’ils s’accordent aux changements des sentiments d’Elliot et Claris.

Naoto ôshima : En fait, pour le partage du travail, c’était moi et Yuji Naka pour la partie joueur, Yuji Naka et Iizuka pour la partie technique, et moi et Iizuka pour l’univers, voilà le triangle.
Je n’ai pas souvenir que l’on ait beaucoup parlé tous les 3 ensemble.

Yuji Naka : Dit comme cela on dirait que l’on ne s’entendait pas (rire).

Naoto ôshima : Lors du développement, c’est un peu le rôle que nous occupions (rire).

Takashi Iizuka : Pour la dernière scène dans laquelle on vole, avec Sasaki Tomoko de la partie son, on réfléchissait à l’idée permettant de rendre la scène plus touchante. L’idée d’un instant de silence total avant que la bande son ne démarre vient de Sasaki.

Yuji Naka : Et l’autre élément qui pousse aux larmes c’est lorsque le film de fin démarre. Enfin il y a de la musique, et tout en regardant le film c’est à ce moment que les larmes coulent à flots. On a eu comme réaction « Si en cours de développement on y arrive, si on le finalise on est certain d’émouvoir ».

–Ce thème qu’est d’émouvoir c’était aussi pour viser autre chose que Sonic.

(Tous ensemble) Oui Exactement.

Yuji Naka : Afin de faire autre chose que du Sonic, qui apportait un vent de fraîcheur, _ NiGHTS _ devait offrir une expérience à travers son histoire. C’est la différence principale.

Naoto ôshima : Et si on parle marketing, Sonic ayant dominé aux USA, on voulait gagner en Europe avec _ NiGHTS _.

–C’était une demande du service marketing ?

Takashi Iizuka : Non, c’était juste notre sentiment.

Yuji Naka : A ce niveau, on était plutôt libres. Environ jusqu’au début de la Saturn, on nous laissait libre de décider différentes choses.

Naoto ôshima : A ce propos, concernant _ Christmas NiGHTS _, un jour, revenant de réunion, Yuji Naka m’a dit « ôshima ! Pour la fin d’année il faut que tu sortes un truc ! ». On l’a un peu fait dans l’urgence (rire). Lorsque j’ai demandé pourquoi, il m’a répondu que tous les projets étaient en retard et qu’il n’y avait rien pour la fin d’année.





Takashi Iizuka : Et c’est pour cette raison que _ Christmas NiGHTS _ ne fut pas mis en vente mais distribué avec les consoles et le Multi Controller ; toutefois les joueurs pouvaient aussi en faire la demande par téléphone. Ils devaient simplement s’acquitter du port et du coût de production.

Yuji Naka : Il me semble que c’était une idée de Takezaki.

–Entre ceux qui créent les jeux et ceux qui les vendent, la relation est plutôt difficile.

Yuji Naka : N’est-ce pas vrai pour chaque époque ? Ce qu’imagine le service marketing et ce que font ceux en charge du développement est au final différent.
A l’inverse, si on demande « vous voulez que l’on crée quelque chose de particulier ? » on a pour seule réponse « un truc qui se vend ». Et donc on répond « laissez-nous faire ». C’est sans fin entre créateur et commercial.

Naoto ôshima : Pour une société de jeu vidéo l’avis des dirigeants est d’une importance capitale je pense.

Takashi Iizuka : C’est pour cela que l’on a pour mot d’ordre « ce que l’on crée est notre vie ».
Le développement est un challenge permanent. C’est en ayant conscience de cela que SEGA faisait les jeux. C’est en voulant une expérience émotionnelle faisant dire « J’ai jamais vu ça avant ! » que le jeu a vu le jour je pense.

–J’aimerais parler un peu de Burning Rangers

Naoto ôshima : NiGHTS terminé, afin de prendre plaisir à relever un nouveau challenge, on a voulu faire un titre ne ressemblant pas à ce que pourrait faire la Sonic Team avec un coté moe (NdT : ici pour plus de précision ). afin de toucher les joueurs ayant un petit penchant otaku. Et donc on a réuni parmi les employés ceux doués dans le domaine, moi-même je me suis mis à m’entraîner à ce style de dessin.

–Pas possible !

Naoto ôshima : Mais au final je n’ai pas pu. J’avais beau dessiner, dessiner, on me disait, « ton design est trop propre », « Tu devrais casser ton trait », au final j’ai abandonné.
On a ensuite voulu donner un style anime et décider d’utiliser des Pompiers.

Yuji Naka : ôshima adore les Héros, En Amérique, si on parle de Héros, ceux qui en sont le plus proches c’est les Pompiers, il a dit « on fait ça ».

Naoto ôshima : Et donc, je pensais faire appel à l’animateur Hiroyuki Ochi. C’est à ce moment que l’annonce de fusion entre SEGA et Bandai fut faite, et je me demandais si on ne pouvait pas faire cette demande à Bandai. J’ai attendu un certain temps et au final cette fusion n’a pas eu lieu. Et du coup, on a fait la demande à la filiale de SEGA, Tokyo Movie Shinsha (devenu TMS Entertainment) et du coup je n’ai pu solliciter Hiroyuki Ochi que pour le package.

Yuji Naka : C’est vrai qu’il y a eu cette histoire de fusion… (rire crispé).

Naoto ôshima : Concernant le système de jeu, j’avais totalement confiance. Idem pour l’aspect graphique, on a pu programmer des effets de transparence comme la Saturn n’en avait jamais fait.

Yuji Naka : Exact. Il y en a des choses à l’écran. C’était une priorité pas facile. On a utilisé à fond les 2 CPUs, et comme on a fait en sorte de l’exploiter au maximum, cela rend un portage difficile.

Takashi Iizuka : Même maintenant il y a des voix qui souhaitent une conversion.

Naoto ôshima : J’aimerais bien une version réaliste telle qu’on pourrait l’imaginer aujourd’hui. Un peu façon Hollywood.

Yuji Naka : Ce n’est pas mieux de laisser le jeu comme à l’époque ? J’ai déjà dit à Yosuke Okunari (entre autres producteur des SEGA 3D reprint) que c’est son boulot de faire la conversion !

Takashi Iizuka : Lorsqu’on a eu presque fini le jeu, alors qu’il ne restait quasiment plus qu’à le vendre, un responsable en charge de l’étranger m’a dit « « Burning » Rangers signifie brûler soi-même… ». Et donc pour les étrangers ce titre est peut-être un peu bizarre (rire).

Traduction/adaptation : VirtuaHunter
Relecture/correction : Shenron

Et je rajoute un petit bonus qui ne provient pas de cette interview mais on y voit Takashi Iizuka parlant de NiGHTS, c’est toujours bon à prendre:





●Hardware nouvelle génération, la Dreamcast entre en scène. Sonic renaît dans sa forme du futur.

–J’aimerais parler de la Dreamcast. Alors que vous ne vouliez plus faire de Sonic, vous souvenez-vous du moment o๠votre avis a changé ?

Yuji Naka : De nombreuses voix se sont élevées pour dire que si d’un point de vue ventes, la Saturn fut dans une mauvaise posture, c’est parce qu’il n’y a pas eu de Sonic. Même si cela ressemble à une excuse, on n’avait pas l’intention de mettre 2 années à réaliser _ NiGHTS _. On pensait le faire en 1 an puis enchaîner sur un nouveau Sonic, mais au final nous avons été bloqués 2 années.
Par la suite, tout en étant profondément désolés, nous avons dû passer à l’étape suivante. Afin d’avoir un titre approprié au lancement, exploitant la machine, pour la première fois en 3D et avec un nouveau chara design, on a relevé bon nombre de challenges.
Et on a beaucoup débattu afin de décider de faire parler ou non Sonic.

–Vous vous êtes longuement concertés donc. La Sonic Team est aussi allée en Amérique du Sud afin d’y faire des repérages.

Yuji Naka : Oui oui. Pour en faire un titre majeur on a beaucoup discuté et décidé d’aller à Mexico, au Guatemala et au Pérou, afin d’y effectuer des repérages durant 2 semaines. C’est Iizuka qui avait réfléchi au fait d’aller sur les lieux ayant servi au tournage d’_ Indiana Jones _.
Mais la véritable raison de cette envie de faire cela est le fait que Yu Suzuki ait pu aller rouler sur les Autobahn (Note du Traducteur : autoroutes allemandes) pour _ Out Run _. J’en ai toujours été jaloux et j’ai dit « c’est notre unique chance ! », et tout en étant débordés, j’ai emmené avec moi 6 membres de l’équipe (rire).

Naoto ôshima : On était en plein développement de _ Burning Rangers _. Et on a du faire avec les 2 titres à la fois.

–Et le seul qui est resté c’est encore vous ôshima… (rire crispé)

Takashi Iizuka : Ce voyage de repérage avait aussi pour but de recueillir des textures. Jusqu’alors, c’était le designer qui les dessinait à la main, mais à partir de la Dreamcast, on utilisait les photos tel quel. Et donc on s’est dit, si dans le jeu on y voit des vestiges, alors allons en Amérique du Sud pour prendre les vrais en photo.

Yuji Naka : Il a fallu un gros budget développement ! (NdT : Pour les plus jeunes qui ne connaîtraient que le numérique, il faut savoir qu’à cette époque il s’agissait encore de pellicules).

–Ce nouveau Sonic devait faire face à de nombreux challenges. A l’inverse, afin que le titre reste un Sonic, y a-t-il eu des points que vous n’avez pas changés ?

Naoto ôshima : De mon point de vue, jusqu’o๠pouvait-il faire muer Sonic était une question de la plus grande importance.
Tout en faisant Burning Rangers, j’arrivais en trombe « mais vas-y, change ça encore plus ! ». En tant que directeur, Iizuka avait sûrement sa vision des choses, mais pour le staff encore jeune, l’image de Sonic était forte et il ne s’en détachait pas.

Takashi Iizuka : C’est pour cela que Yuji Uekawa (entre autres chara-designer de Sonic Adventure mais aussi Ristar et bon nombre de jeux) s’est vu confier le design de ce nouveau Sonic.

Naoto ôshima : Au début, j’ai passé un croquis « fais quelque chose dans ce genre », il ressemblait à un père qui prenait la pose en montrant ses muscles et ses épines avaient poussé, c’était brutal, Uekawa a eu comme réaction « si je fais ça les fans vont me tuer » (rire).

–Et vous, à quoi ressemblait votre vision ?

Takashi Iizuka : Jusqu’alors, le scénario du jeu était relativement minimaliste puisque simplement écrit dans le livret du jeu, c’était un style o๠le joueur imaginait par lui-même l’histoire. Mais à partir de Sonic Adventure, il parle et il y a une vraie histoire. Et donc, afin de ne pas trahir le Sonic imaginé par tous, dès le début, on a construit l’ensemble du jeu en ayant conscience de cela.
On a fait en sorte de conserver l’image du Sonic classique avec son coté légèrement impertinent mais mignon qui va à toute vitesse.
Et donc, on lui a donné une façon de parler quelque peu effrontée, avec comme expression favorite un « Wouah » à l’américaine.

Naoto ôshima : Qui a pensé à l’histoire ?

Takashi Iizuka : Pour l’histoire, des grandes lignes jusqu’aux répliques, c’est Akinori Nishiyama (NdT : il a travaillé sur de nombreux jeux, dont bon nombre de Sonic. Souvent en tant que directeur ou producteur).

–Et vous Yuji Naka, en tant que producteur je pense que vous aviez un peu un rôle de juge, quels éléments avez-vous pointés du doigt ?

Yuji Naka : En moi-même, j’étais plutôt inquiet sur le fait d’aller aussi loin. Toutefois, c’était pile le bon moment pour passer en 3D, et il ne s’agissait pas seulement du style, le personnage a lui aussi beaucoup changé.
Pour reprendre les mots d’ôshima, grand fan de Disney, « Afin de s’adapter à son époque, Mickey aussi change de forme ».
Si on parle game design, je dirais le timing pour le saut. Lorsque l’on passe en 3D, la limite du point d’appui est difficilement appréciable, je me demandais ce qu’il fallait faire.
Pendant le développement de Burning Rangers, suite à une discussion avec ôshima, on avait décidé de rendre le saut automatique lorsque Sonic arrive à la limite du point d’appui. Toutefois, dans le cas de Sonic, c’est un jeu ou on veut pouvoir apprécier par soi-même quand sauter, et durant les sauts on a intégré la homing attack, permettant d’avancer en éliminant les ennemis, rendant la progression des plus agréable.

–Parmi les différences avec le Sonic 2D, le côté « tu tombes tu meurs » est moins présent n’est-ce pas.

Yuji Naka : Il est incontestable que nous avons réduit les situations ou une chute entraîne la mort.
Pour Sonic 2D, il y avait un dispositif que l’on nommait entre nous le « Yasuhara set » (NdT : pour Yasuhara Hirokazu Game Planner sur Sonic 1 entre autre), un dispositif qui consistait à placer des piques après un saut, hors, on l’a exclu pour la 3D car elle entraînait des morts en permanence.
C’est pour cela que le déroulement du jeu a peut-être beaucoup changé, mais pour Sonic 3D il nous fallait établir des normes.

Takashi Iizuka : Dans le genre action 3D on a eu comme prédécesseur Super Mario 64, mais à ma première partie je ne savais pas o๠aller. Pour les anciens Sonic, il s’agissait d’un design ou il suffisait d’aller sur la droite pour arriver au but, je ne voulais pas faire de Sonic Adventure un jeu ou on ne savait pas dans quelle direction aller.
Le système adopté est donc une caméra qui se dirige toujours vers notre objectif.

–Donc la sensation de rider à grande vitesse dans Sonic Adventure vient donc de cela.

Takashi Iizuka : S’il n’y avait pas eu ce système de caméra automatique, je pense que Sonic 3D n’aurait pas vu le jour.

Yuji Naka : Alors que le jeu subissait de grands changements, pour la sortie de la Dreamcast… on a eu 1 mois de retard pour la mise en rayon. On a été soulagés de parvenir à le mettre en vente, mais le staff a du directement enchaîner sur la version internationale.

Takashi Iizuka : Oui (rire).





–En tant que personnage, tout en gardant ses bases, son évolution ne s’arrête pas, c’est comme cela que l’on peut décrire Sonic n’est-ce pas.

Takashi Iizuka : Oui exactement. C’est pour cela qu’au final il n’y a pratiquement pas de suite directe d’un épisode à l’autre. On fait en sorte d’apporter à chaque fois un nouveau concept.

–Ce Sonic que vous avez fait naître, puis élevé, apparaît désormais aux côtés de Mario dans le jeu des JO, votre avis là -dessus ?

Yuji Naka : Pour dire vrai, voulant faire un titre avec Mario, je suis allé voir une fois Shigeru Miyamoto afin de lui faire une présentation du jeu d’action que je souhaitais réaliser avec Sonic et Mario.
C’était à l’époque de la Game Cube, j’y suis allé avec 4 planners. « Il n’est pas nécessaire de faire un jeu d’action avec Sonic et Mario » nous a-t-il dit, et malheureusement le jeu ne s’est pas fait. Toutefois, pile au même moment, SEGA ayant acquis les droits des jeux Olympiques, les 2 personnages ont donc pris part ensemble à la licence.
Et juste après, Sonic a fait son apparition dans _ Super Smash Bros Brawl _. Toutefois, c’est encore moi qui en ai fait la demande à Masahiro Sakurai (NdT : Réalisateur et scénariste sur ce jeu).
Le jeu des Jeux Olympiques, bien qu’il diffère de mon idée, me ravit quant à l’idée que les enfants du monde entier s’amusent de cette collaboration.
Mais je souhaite vraiment qu’un jour Sonic et Mario apparaissent ensemble dans un jeu d’action. Iizuka, il faut que tu trouves une raison à cela et que tu ailles faire de nouveau une présentation (rire).

Naoto ôshima : Je pense pareil. Avant ils étaient rivaux, mais lorsque je le les ai vus apparaître ensemble, « Nintendo a reconnu Sonic » ai-je pensé avec le sourire.

Yuji Naka : Depuis longtemps, j’ai toujours rêvé de voir Sonic marcher fièrement dans un parc d’attraction, mais même à Disney Land cela me conviendrait aussi. Le studio DiC Entertainment qui avait réalisé un dessin animé Sonic en Amérique a été acheté par Disney. « Si ça se trouve, Sonic va marcher à Disney Land » ai-je pensé tout content pendant un temps, mais cela n’est jamais devenu réalité. D’un point de vue personnel j’aimerais le voir apparaître un peu partout.





●L’évolution ne s’arrête pas, l’ADN de Sonic. Le portrait du Sonic du futur ?

–L’interview va bientôt toucher à sa fin. Dans ce laps de temps, que représentent ces 25 années, il y a peu de séries ayant continué avec cette constance.

Takashi Iizuka : On n’est pas loin de 100 jeux si on rassemble tout.

Yuji Naka : Il y en a tant que ça ! Les versions Game Gear entre autres, je n’y ai pratiquement pas touché. Comme il s’agissait d’une autre équipe…

–Et à ce propos, est-ce que vous, Yuji Naka et Naoto ôshima, vous jouez aux Sonic d’aujourd’hui ?

Naoto ôshima : Pas tous, mais j’y joue. Je pense que c’est fantastique de toujours ressentir cette vitesse qui ne change pas.

Yuji Naka : Moi, j’en suis désolé mais je n’y joue pas (il est catégorique). En 2006 jusqu’à mon départ de SEGA, n’ai-je pas toujours été sur cette série ? Et donc, si j’y joue il y a tout un tas d’éléments qui attirent mon attention.

–Vous le regardez avec les yeux du professionnel ?

Yuji Naka : Après avoir quitté SEGA, j’ai essayé le titre fait à la suite de mon départ, et durant les 10 premières secondes tout un tas d’éléments attiraient mon attention, et je me disais entre autres « je ne peux pas toucher à ça ? », et depuis je me contente de l’observer de loin. Par la suite je n’y ai plus du tout touché.
J’ai travaillé jusqu’au _ Sonic the Hedgehog _ qui fut mis en vente en 2006, mais j’ai quitté l’entreprise en cours de route, et je ne peux pas m’empêcher de me focaliser sur les éléments faits par la suite.
On avait pour intention d’en faire un grand jeu pour les 15 ans, en le nommant comme le tout premier épisode, on voulait signifier « c’est un nouveau départ ». Au final, il ne fut pas apprécié, je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu m’en occuper jusqu’au bout.

–On ne vous communique aucune information sur Sonic ?

Yuji Naka : Sur les salons par exemple, je regarde les vidéos de loin, et je me dis par exemple ; « Cette fois Sonic est comme ça !? ». Comme toujours je suis forcement intrigué. Toutefois, je me garde d’en parler à Iizuka.

–C’est un peu comme si votre fille s’était mariée (rire).

Yuji Naka : Si un jour on en a l’occasion, je pense que l’on pourrait refaire un Sonic tous les 3, mais comme Iizuka part en Amérique, cela risque d’être peu probable. Mais propager l’ADN qu’il possède depuis le début est une bonne idée je pense.
Il me semble que le moment est venu pour franchir une nouvelle étape qu’est ces 25 ans, j’attends cela avec impatience. La prochaine fois que l’on se réunit c’est pour les 50 ans ? (rire)

Takashi Iizuka : On risque d’être décrépis, même si on nous pose des questions il est probable que l’on ne puisse plus y répondre.

(Fou rire général)

Yuji naka : J’aimerais vraiment que ça dure aussi longtemps. Être encore en activité et fêter cet anniversaire avec Sonic.

–Il y a eu une vraie rivalité avec Mario de Nintendo.

Yuji Naka : Avoir eu un tel adversaire, ce fut une très bonne chose je pense. Pas seulement pour SEGA mais pour le monde du jeu vidéo. Aujourd’hui il n’y a plus trop de différences entre les plateformes, et l’esprit de rivalité s’est estompé, c’est plutôt dommage.





–Votre vision du Sonic du futur ?

Takashi Iizuka : Je pense que les fans sont tous au courant qu’au-delà des jeux que nous, la Sonic Team, faisons, une série animée en CG de _ Sonic Boom _ existe. Et donc, les pays/régions dans lesquels nos jeux ne sont pas disponibles peuvent diffuser la série et faire connaître la licence.
Les jeux, la série TV, et le film en cours de production par Sony Pictures, vont permettre d’élargir par ces différentes formes le monde de Sonic, pouvoir toucher à tout est une bonne chose je pense.

–Et pour cela, vous, Takashi Iizuka vous allez en Amérique ?

Takashi Iizuka : Tout à fait. En faisant l’historique aujourd’hui on l’a évoqué, il y a eu _ Sonic R _ qui a été fait à l’étranger, mais aussi des jeux tels que _ Sonic et le Chevalier noir _ avec lequel ni moi ni Yuji Naka n’avons eu de contact et qui se sont écartés de la bonne route. Et Sonic Boom, qui fut mis en vente il y a 2 ans, les joueurs nous ont clairement dit ne pas l’avoir apprécié. Et donc, afin de respecter la norme « Sonic doit être comme cela », je pars à Los Angeles dans le département s’occupant de la marque Sonic.

–Vous allez donc prendre le contrôle du devenir de Sonic.

Takashi Iizuka : Oui c’est cela. 25 ans ce n’est que du temps, n’importe quel jeu est égal face à cela. En 20 ans il y a eu seulement 2 _ NiGHTS _. Donc le temps qui s’écoule n’a pas beaucoup d’importance, par contre la carrière oui. Et donc, afin que l’on ne dise pas au prochain anniversaire que c’est une IP du passé, on doit proposer de nouvelles choses ; tout en mettant à profit les acquis je veux faire perdurer cette IP. Bien que Yuji Naka n’y jouera pas (rire).

Yuji Naka : Si dès le départ tu me le montres j’y jouerai ! Mais Iizuka ne m’en parle absolument pas, il doit se dire « Si je le lui montre il va la ramener » (rire).

–On peut dire que votre amour envers Sonic est très fort.

Naoto ôshima : Dans mon cas, étant moi aussi dans le même métier, s’il y a des choses ratées je ne m’en préoccupe pas. Au contraire, lorsque je trouve des points positifs, je me dis « moi aussi je peux faire mieux ».

Yuji Naka : Moi ça me chiffonne, c’est la frustration qui l’emporte. Surtout lorsqu’il s’agit de Sonic. Les souvenirs des 15 ans passés dessus sont les plus forts.

–Aujourd’hui, en plus d’avoir pu entendre la véritable histoire de la série Sonic, j’ai aussi pu voir distinctement votre véritable relation à vous 3 (rire). Pour ce long moment ainsi que ces précieuses histoires, merci beaucoup.

Yuji Naka : La prochaine fois, appelle nous d’Amérique, moi et ôshima. Tous les 3 autour d’un bon repas ont pourra de nouveau passer un bon moment à bavarder !

Takashi Iizuka : Je m’en souviendrai ! A ce moment il faudra me faire le plaisir de jouer à Sonic (rire).





Traduction/adaptation : VirtuaHunter
Relecture/correction : Shenron

Edit : je ne vais pas rajouter un pavé donc je ne mets que le lien, une nouvelle interview de Takashi Iizuka concernant Sonic Mania est disponible ici !

Très intéressant, excellent travail, merci!!!

Marquez le sur vos agendas, la suite c’est mardi !:mrgreen:

Yes. 😀

Je viens d’ajouter une vidéo à la fin de la partie 2 juste au dessus :wink:
Takashi Iizuka parlant de NiGHTS.

Encore merci à Virtua hunter (trad), Shenron (corrections) et Sega-mag (publication)

De rien :wink:

Il ne reste plus que la troisième partie, une fois bouclée je pourrais m’attaquer à d’autres trucs^^ (huhuhu je ne vais pas m’avancer mais il va surement y avoir du bon:cool2:).

Demain:cool:

Deux pieds?

Deux hors.

Demain, petite surprise dans le même genre (mais moins long :p)
J’en profiterai pour éditer plus haut.